L'importance accordée par la justice
Nous avons d’abord constaté la tendance suivante : les crimes tels les viols, agressions sexuelles (regroupant tous les types d’agression non consentante), violences conjugales, tentatives de viol, enlèvements et tentatives d’agression sur une mineure semblent avoir été sévèrement jugés.
Des 56 cas recensés à partir du corpus d’archives des registres d’écrou datant de 1882 à 1915 de la prison de Winter, 23 ont obtenu une sentence.
L’article de Julian Roberts et d'Alvaro Pires précise les peines maximales avant 1983 : attentat à la pudeur (que nous renommons agression sexuelle), cinq ans ; tentative de viol, dix ans ; viol, sentence à perpétuité ; il s’agit donc de trois paliers de gravité différents prouvant jusqu’où la justice se rend pour ces crimes[1]. Ceci cadre avec nos données recensées : dans les sentences des criminels ayant passé par Winter, un palier de jugement semble exister.
En moyenne, la sentence est de 233 jours pour une agression, 547 jours pour une tentative de viol et 707 jours pour un viol (et un cas de prison à vie). Ces données témoignent du palier de gravité. Retenons toutefois que notre échantillon est petit et, au total, il nous manque l'information sur la sentence de 33 cas.
[1] Julian Roberts et Alvaro Pires, « Le renvoi et la classification des infractions d’agression sexuelle », Criminologie, vol. 25, n° 1, 1992, p. 29.
Le cas tragique d'une fillette de sept ans : William Wilson et Roy Button
Voici un cas tout particulier : les deux Américains William Wilson, 25 ans, et Roy Button, mineur, ont été respectivement accusés du viol de la fillette de sept ans, Bertha Tiffin, à Stanstead. Elle-même témoignera au procès, un évènement que les journaux de l’époque (La Vigie et Le Soleil) qualifieront de cas exceptionnel, autant par le courage de la jeune fille que par le geste des deux étrangers. Cet évènement vient rejoindre notre premier constat: le viol était puni sévèrement lorsque les accusés étaient reconnus coupables. De même, nous ne répertorions qu'à partir de 1913 des cas de tentatives d’agression sur des mineurs, ce qui nous permet de croire que l’aspect légal se précise concernant ces cas et, socialement, avec les témoignages des journaux, les cas touchant les fillettes demeurent hautement condamnés par l’opinion publique.
Pour en apprendre plus
Pour mieux comprendre le défi de dénoncer son agression à l'époque :
BACKHOUSE, Constance. Petticoats and Prejudice. Toronto, Canadian Scholars’ Press and Women’s Press, 2000, 485 p.
Afin de comprendre la classification des gestes contre les femmes :
ROBERTS, Julian, et Alvaro PIRES. « Le renvoi et la classification des infractions d’agression sexuelle ». Criminologie, vol. 25, n° 1, 1992, p. 27‑63.
Contexte historique :
BAILLARGEON, Denyse. Repenser la nation : histoire du suffrage féminin au Québec. Montréal, Les Éditions du remue-ménage, 2019, 235 p.
Sources sollicitées dans cette page :
« Chronique locale », La Vigie, 25 janvier 1910, [en ligne]. (Consulté le 14 août 2020) < http://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2627721?docsearchtext=William%20Wilson >.
Le Soleil, 24 janvier 1910, [en ligne]. (Consulté le 14 août 2020) < http://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3481661?docsearchtext=William%20Wilson>.
« Au Senat », La Vigie, 26 janvier 1910, [en ligne]. (Consulté le 14 août 2020) < http://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2627722?docsearchtext=William%20Wilson>.
Images :
Photo libre de droit, Consulté le 14 août 2020. <https://pixabay.com/photos/lost-places-window-grid-grate-1761653/> ; <https://pixabay.com/photos/window-grid-door-spider-web-1690052/>;<https://pixabay.com/photos/barbed-wire-wire-court-security-765484/>.
« Isolement », photo prise par Roxane Bertrand. Prison Winter, Sherbrooke, 2020.
« Perception », photo prise par Roxane Bertrand. Prison Winter, Sherbrooke, 2020.